De Carlos Docteur

                                                                 Paris, 18 de octubre de 18981

Maître,

J’ai quitté Madrid vers le milieu de mai dernier ; mais, retenu à la frontière pour des affaires de famille, je n’ai pu rentrer en France qu’au commencement de ce mois d’Octobre. C’est, étant encore en Espagne que, suivant exactement les péripéties de l’Affaire, glorieuse pour un petit nombre, mais abominable pour la majorité, j’appris votre départ pour l’Etranger. Les épreuves bien douloureuses que traverse la belle Espagne m’ont obligé à quitter Madrid plus tôt que je n’aurais voulu ; d’ailleurs je suis français, et il me semble juste de venir chercher dans mon pays ce que mon travail me donne droit à prétendre.

Me permettez-vous, cher Maître, de me recommander à votre bon souvenir et vous prier de me tendre la main en un moment difficile, dans cette grande ville où je me trouve sans ressources, et pas même seul ? Un mot efficace de vous à vos amis pourrait, je crois, me tirer d’embarras. Je suis, vous le savez, un excellent traducteur, bon professeur d’Espagnol ; puis, je suis écrivain. Maître, pendant dix ans à Madrid, mon enthousiasme m’a seul fait écrire pour vous et traduire vos ouvrages ; mais dans cette heure pénible que je traverse je n’ai que vous ici à qui m’adresser pratiquement. Je sais, par L’Aurore, que vous avez commencé une autre série de romans, et que même vous avez été assez souffrant, voulant rattraper les six mois perdus (!) à Paris… Cependant votre bel équilibre peut tout mener de front, ainsi que vous m’en avez donné la preuve à moi-même en m’envoyant au plus fort de votre procès, les 3 fameuses lettres, avec adresse écrite de votre propre main.

J’ai, un moment, pensé à me présenter à votre hôtel, rue de Bruxelles, pour offrir mes respects à Madame Zola ; mais j’ai craint de ne pas être reçu en ces circonstances : J’opte donc pour ce moyen de vous faire parvenir cette lettre2.

En attendant l’heureux jour de vous voir rentrer à Paris acclamé par la même foule qui naguère demandait votre mort, j’ai l’honneur, grand et cher Maître3, avec un chaleureux hommage de sympathie envers votre digne campagne, de vous exprimer une fois de plus toute ma vénération.

Colección: I.T.E.M.-C.N.R.S. Centre d’études sur Zola et le Naturalisme.

1. Carlos Docteur era un antiguo seminarista francés que se instaló en España en 1883 y se dedicaba principalmente a labores de traducción. Entre sus obras figura: Historia anecdótica de la Música y de los grandes músicos, París y Méjico, 1901. Tradujo para La España Editorial las siguientes novelas de Zola: La última voluntad (1889) y La Bestia humana (1890).

Dirección: «96, Boulevard de l’Hôpital».

2. Entre el 23 y el 29 de septiembre, a petición de los tres expertos en caligrafía, los embargos comienzan en la casa del escritor en París. El 10 de octubre Zola se instala en el Bailey’s Hotel en Londres. El día 11, en una venta-embargo que tiene lugar en la casa de Zola en París, su amigo Eugène Fasquelle paga 32.000 francos por una mesa, deteniendo, de esta manera, el embargo. Este mismo día aparece el libro de Jaurès, Les Preuves. El 15 de octubre Zola se instala en el Queen’s Hotel. Este mismo día Jeanne Roserot regresa a Francia.

3. Sobre la correspondencia de Carlos Docteur con Émile Zola referente a las traducciones y ediciones de las novelas de éste último, ver Setty Alaoui, op. cit.