De Alfredo Claudio da Silva

Petropolis (Brasil), 24 de enero de 1898.

À l’auteur de la Débâcle.

Monsieur,

J’ai demeuré pendant deux ans à Paris dans une Institution de la rue Ondinôt, et là j’ai tant admiré la générosité française, si indulgente envers mon ignorance d’étranger et mes petits torts, qu’aujourd’hui il me coûte croire mes anciens collègues de 1893 alors, accessibles aux plus élevés sentiments, coupables de porter leur voix contre un homme cherchant la vérité et ayant pour but sauver l’honneur d’un officier innocent même au prix d’une autre diffamation qui au moins serait juste.

Mais, Monsieur, heureusement on ne vous méconnaît pas partout et on a foi ici que le brutal: “Conspuez”, ne sort pas de la bouche instruite et raisonneuse des étudiants mais du sein de cette foule dont vous avez si bien décrit l’ignorance patriotique, quand dans Nana elle criait à Berlin!, à Berlin!; et le fanatisme outré quand dans Lourdes elle demandait la résurrection d’un mort. Ainsi pour moi et nous tous d’ici, que de loin et sans passion pouvons mieux peser les faits, il ne nous reste, de la guerre faite non seulement à votre opinion mais encore à votre personne, que deux suppositions: ou cette foule qui vous décrie est inconsciente et alors elle ne représente personne ni rien, sinon un animal défectueux et irraisonnable; ou, chacun de ses membres a une même pensée et représente chacun une molécule d’un être complet et penseur dont l’intelligence n’a pas toute fois sa portée ordinaire; et, se montre à nous non pas comme cet être glorieux devant lequel se sont écroulés pour toujours et la Bastille et la révocation de l’Édit de Nantes, mais comme ces deux autres dont, l’un, qui étant le même après de la gloire conquiert de la boue sous l’action d’un Marat, dans les Semtembrisades et l’autre assiste impassible à la mort de Savanarole qu’il savait innocent.

Maintenant, il me manque, Monsieur vous demander pardon pour le gaspillage que j’aie fait de votre précieux temps en vous exposant mon opinion et celle de tous mes collègues d’ici, excepté ceux qui, au dire de Voltaire, sont des cafards et ont un maintien cagot; et, encore à vous faire savoir que, si notre bon ‹…› voulut conduire vos pas vers ces parages, au milieu de l’admiration publique dont vous seriez entouré, pour éprouver une plus intime vous n’auriez qu’à vous adresser à

Votre admirateur très dévoué

[Alfredo Claudio da Silva

7 Avenida Tiradentes

S. Paulo – Brésil]