Le Lavoir au lézard bleu
Javier del Prado Biezma
Paris / Alberobello, L’Harmattan / AGA, 2020.
ISBN: 9782343212227

Le lavoir au lézard bleu, « non pas que ce lavoir soit déjà le lieu de mon enfance, pas même un des lieux, puisque je n’ai pas eu d’enfance et qu’il me faut l’inventer au jour le jour ; mais parce que ce lieu, qui est en train de devenir sacré pour moi depuis le jour où mon père m’en a parlé avant de mourir, m’avait toujours été défendu ».
Javier del Prado Biezma est né à Tolède ; « je le sème à tous les vents, dans l’espoir de voir germer de part le monde quelque particule de mon moi ; mais j’ajoute aussitôt : “cependant, je hais mon Tolède”. Mon Tolède ; et c’est vrai. Jamais je ne ferai mien le sentiment de la Maréchale de Fervaques, femme méprisée dès mon adolescence, quand j’ai lu pour la première fois le roman de Stendhal, quelle sottise : – ‘tout son bonheur eût été d’habiter Tolède !’ »
Quartier des Portugais, Tolède, le petit lavoir est devenu, depuis la mort de son père, le lieu obsédant de la rêverie et du désir de l’auteur. Et c’est à ce petit lavoir qu’il nous conduit dans ce livre, même si sa volonté la plus profonde s’y résiste.
Tout en semant des pièges aux alentours de sa conscience, Javier del Prado a pour vraie raison de sa promenade à Tolède de préserver le droit à la retraite et au silence, à la suite des notes qu’il a brouillonnées « à la lueur rougeaude de la veilleuse dans la chambre de [s]on père ». « Mais, ce Tolède ne sera jamais capable de me dévoiler mon secret ; car, moi aussi j’ai mon secret, même s’il n’a rien à voir avec celui fouillé par Barrès dont le nom est accolé, maintenant, à la descente qui me ramène vers la vie – Bajada de Maurice Barrès, lui qui ne rêvait que de colline, d’escalade, et d’ascension. »
Avec « la caresse au bout du regard », l’auteur plonge son lecteur dans la contemplation esthétique de Tolède, dans la conscience du besoin impérieux que provoque « ce démon de l’écriture qui fausse tous les sentiments, même à côté du lit où ton père agonise », à la recherche du petit lézard bleu « dont on parlait à la maison d’une façon allusive, un peu en cachette, à mi-voix… pour que les enfants ne sachent pas ».
